En 1984 sort l'épitaphe cinématographique d'Elem Klimov, réalisateur russe né sous les bombes de Stalingrad en 1943 et mort en 2006. Et il s'est dit incapable de faire d'autres films, passé ce grandiose Requiem Pour Un Massacre, aussi connu sous le nom de Va Et Regarde. Va et regarde à travers les yeux de l'acteur principal. A travers les yeux d'Alexei Kravtchenko, 17 ans alors à l'époque, qui joue le rôle de Fliora, un jeune garçon qui, bien que trop jeune, s'engage à la guerre (nous sommes en 1943, année de naissance de Klimov), et va voir toutes les atrocités qui s'en dégagent, tout le massacre abominable crée par ces putains de nazis. Une expérience traumatisante, autant pour Fliora que pour Alexei Kravtchenko, qui aura besoin de soins psychiatriques pendant et après le tournage tellement le rôle qu'il jouait était dur. Un personnage principal exceptionnel et bouleversant, un acteur exceptionnel (oui, vraiment bluffant, rarement un mineur aura réussi à faire passer autant d'émotion derrière l'écran), bouleversant et bouleversé, un spectateur pas spécialement exceptionnel, mais bouleversé. On sort bouleversé d'une telle violence psychologique. Au-delà du film, une véritable expérience cinématographique qui suffit à faire de Requiem Pour Un Massacre le plus grand film de guerre de tous les temps, artistiquement parlant.

Au début, c'est deux gamins, qui creusent malgré qu'un paysan le leur déconseille, et qui trouvent une arme à feu. Le plus grand des deux, Fliora, tout content de cette découverte, s'engage, sans prévenir personne, dans l'armée biélorusse pour partir à la guerre. Et le jeune homme se fait emporter par les soldats biélorusses, face aux cris et aux pleurs de sa mère déconcertée. Arrivé au camp, il ne part pas à la guerre sous ordre du sergent et doit rester au camp pour le surveiller. Il fait là-bas la connaissance de Glacha, avec qui il devient ami. Tous deux partent vers la maison de Fliora pour revoir ses parents et ses soeurs.

Attention SPOILERS!!

Il arrive chez lui, et se rend compte que tout le monde est mort. Lessivés, Glacha et lui continuent leur voyage et arrivent dans un camp de refuges pour de pauvres slaves n'ayant rien sur eux. Là-bas, il voit le corps carbonisé et à l'article de la mort du paysan qui lui avait dit de ne pas creuser au début du film. Puis, il tombe sur trois hommes fabriquant un faux Hitler à partir d'un squelette, dans le but d'aller le planter dans le camp allemand le plus proche. Fliora se propose pour les accompagner vers le camp allemand, par ainsi avec eux, laissant Glacha dans le camp. Opération Hitler réussie, malheureusement, peu de temps après, les trois hommes mourront peu à peu suite à des fusillades et des attaques. A l'aide d'une vache volée auparavant à un paysan, Fliora arrive dans un village slave pris par les nazis, qui ordonnent aux slaves naïfs de quitter leurs maisons pour partir dans la grange du village. Fliora sent la catastrophe, essaye d'alerter la population, mais un nazi le capture et l'emmène dans la grange avec les autres. Fliora réussit à s'en échapper pendant que les nazis mettent le feu à la grange. Ne pouvant rien faire de plus, Fliora, fatigué et à bout de nerfs, se laisse tomber au milieu de nulle part. Il a vu trop d'horreurs, il n'en peut plus.

Une fois les Allemands partis et criant victoire, Fliora, au bout du rouleau, s'apprête à partir avec une troupe d'alliés biélorusses. Sur son chemin, dans une flaque de boue, un portrait d'Hitler, abandonné. Fliora prend son fusil, et tire dans la tronche à Hitler (précisons qu'il s'agit de vraies balles). Pan. Et là, tout refait surface. Les images d'archives coulent à flots, on tombe sur le grand Hitler dictateur, tout repasse à l'envers, comme si cela n'avait pas eu lieu. Pan. On voit Hitler avant la guerre, en train de laver le cerveau à une Allemagne désabusée. Pan. Hitler général, qui monte peu à peu. Pan. Hitler... enfant. Alors maintenant, pan? Non. Non car cette histoire affreuse a commencé avec un enfant trouvant une arme en creusant, et elle se termine avec un enfant qui n'a pas encore conscience de ses futurs actes. Tout commence par les enfants, disait le nazi surveillant la grange. Et il n'y a plus à tirer sur quoi que ce soit, maintenant que l'on est tombé sur un enfant, par lequel tout a sûrement commencé.

Fin des spoilers.

Puissant, violent psychologiquement, émouvant et terrifiant, on ne sortira pas indemne de Requiem Pour Un Massacre. Ce projet était né dans la tête de Klimov depuis 1977, et on lui a laissé tourner son film, après sept ans d'interdiction. On a ici un chef d'oeuvre, un monument absolu du cinéma comptant parmi les plus grandes oeuvres de l'histoire. Ici, rien de cul cul la praline, tout est tellement cruel... Et, souvent, c'est ça, la recette d'un grand film.

Choc. Choc absolu.

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