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Le Ciné De Koa
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30 août 2010

Le plus grand film de Pasolini ?

theoreme

En 1968, Pier Paolo Pasolini est déjà un réalisateur confirmé... Après avoir choqué les cathos bien-pensants avec L'Evangile Selon St Matthieu (Scorsese et Mel Gibson n'ont rien inventé !), après avoir offert un des plus grands films antiques de l'histoire avec Oedipe Roi, le réalisateur italien s'attaque maintenant à la bourgeoisie... Théorème est le sixième long-métrage de Pasolini. Quand il fut présenté au Festival de Cannes à sa sortie, le film fit un tel scandale (autant pour ses idées envers la haute pétée que pour son scénario, sorte de cercle vicieux) qu'on l'interdit en salles aux moins de 18 ans, et qu'on le jugea pornographique, ce qui paraît aujourd'hui complètement absurde et démeusuré. Pourtant, malgré ces jugements, le film reçut le prix de l'Office Caholique Internationale. Ce qui est, à y repenser, assez amusant.

On le sait tous, 1968 est une année de révolution mondiale, qu'elle soit culturelle ou sociale. Théorème ayant été tourné en 1967, Pasolini ne pensait sûrement pas que ce film collerait autant avec son époque... Totalement révolutionnaire, Théorème se divise en deux parties. Le pire, c'est que les deux parties durent exactement le même temps. En un sens, ce film porte bien son nom mathématique.

teorema_theoreme_italie_1968_L_7

Dans la première partie, on suit un jeune homme (interprété par Terence Stamp, magistral), d'une petite vingtaine d'années, qui s'introduit dans une famille aisée, issue d'une grande bourgeoisie. On ne sait strictement rien de cet homme, même pas son nom. Selon Pasolini, cet homme est Dieu, mais en vérité, d'innombrables interprétations sont possibles. Ce mystérieux personnage fascine d'une manière ou d'une autre chaque membre de la famille, et même la servante. Cette dernière se sentant mal, à la limite du malaise, l'homme l'allonge sur un lit, et la serveuse, un peu dans les pommes, se laisse séduire... L'homme dort dans la même chambre que le fils de la famille, peintre amateur. Ce dernier se sent terriblement attiré par le personnage, et tente de le découvrir de son lit, le réveillant par la même occasion. Quand il n'y a pas de plaisir sexuel (plaisir qui n'est néanmoins jamais explicitement montré dans le film), il y a au moins un contact physique moins fort, ce qui ne loupe pas dans ce cas. Dès le lendemain, la mère se déshabille (et encore une fois, rien de montré) dans une sorte de cabane, sachant très bien que l'homme va y passer. Puis vient le tour du père, malade. Comme avec le fils, pas de contact sexuel, mais juste un contact physique attendrissant. Enfin, la fille, qui emmène subitement l'homme dans sa chambre. Les deux êtres s'embrasseront.

Puis il part.

Pasolini_theoreme

Et là, il faut faire attention aux spoilers. Commence la seconde partie du film, où tout va se déteriorer. On suit le désespoir de chaque membre de la famille, qui se sent de nouveau inutile: la bourgeoisie selon Pasolini. La fille finira par se suicider, on ne sait trop comment. A force de veiller, la servante devient un peu folle d'isolement, le village a totalement pitié d'elle, et elle se retrouvera un peu miteuse, finissant dans une sombre dépression, jusqu'à se faire enterrer pour évacuer ses larmes. Le fils devient anarchiste, s'enfermant avec ses oeuvres abstraites dans une chambre de bonne. La mère finira pendue sur le toit, sous le regard de la servante. Enfin, le père, directeur d'usine, décide apparemment de tout larguer, et le film se finit par son cri, un cri terrifiant, déchirant, du haut des pentes de l'Etna, pentes qui suivent le spectateur pendant tout le film, comme un repère...

Théorème est un film purement grandiose, qui se regarde de manière... énigmatique. Naviguant entre une sorte de poésie désespérée et une critique acerbe des bourgeois (Pasolini réitèrera cette critique avec Porcherie en 1969), ce film ne se regarde pas: il se vit. On aura rarement vu film aussi envoûtant. C'est en tout cas un de mes films préférés, à n'en pas douter, avec Barry Lyndon de Kubrick, Stalker de Tarkovski et Elephant Man de Lynch.

Du grand Art.

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Commentaires
K
Par contre, il ne se trouve plus en magasin !
J
Merci pour ce billet! je ne connais pas du tout ce film et je vais me le procurer afin de revenir t'en parler : merci Koamaé !
K
Effectivement un grand film de Pasolini, d'ailleurs Takashi Miike reprendra le concept dans le très vort visitor Q.<br /> <br /> Mon Paso préféré reste oedipe roi.
K
Et je ne peux que rejoindre ton avis !
C
Un très grand film de Pasolini ! dire qu'il a reçu le Prix de l'Office Catholique...alors qu'il égratigne pas mal tout ce que l'office catholique pouvait représenter (religion, bienséance...) ! Terence Stamp et Silvana Mangano sont juste parfaits dans ce film.
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